Poèmes

Veiller encore (extrait)

Un appel en absence

non on ne répond de rien

la nuit est grasse et accueillante

alors elle glisse des mains

 

on fait comme si c’était normal

de tourner pendant des heures

autour de soi

à l’affut d’une enfance

déjà dévorée de toute part

 

non on ne répond pas

les dents saignent comme les rues

à l’approche de l’aube

 

et c’est seul que l’on va

sur cette route un peu trop large.

Poèmes

Jour de rien

Le soleil au matin

déjà en équilibre

sur la fenêtre

 

et dans l’œil

on arrive à le perdre

 

ainsi

c’est un autre jour qui va

avec sa peau neuve

et son manque de tenue

 

un jour de rien

sans vaguelettes

sans coups de chaud

 

rien que du simple

et pourtant

 

on voit le blanc s’étirer

juste là

 

napper les corps

de mots glaçants

de ces mots

chuchotés seulement

 

on entend peu

alors

 

on ne veut pas.

 

Poèmes

Trouver refuge (extrait)

Ce sont de grandes baies vitrées qui brillent là-bas. Ou peut-être les bottes de foin. Le soleil s’étale partout.

A la va-vite, on a enfilé un masque. Une paire de gants taillée dans l’air. Une tenue de camouflage pour échapper à soi. Un été trop lointain. Les tournesols têtes dressées.

Et si ça dure. Si on reste inconnu à notre propre douleur. Si aucun tremblement ne vient. Si ça dure, on laissera scintiller l’eau. Le bleu reprendre un peu d’éclat.

Poèmes·Poèmes en prose

Trouver refuge (extrait)

Capter les odeurs du dehors. Faire de la chambre un verger dans lequel la clarté restituent le parfum des fruits.

Le silence s’étire alors comme une peau fragile. Les ombres reprennent leur souffle. Et chacune à leur tour les images de l’enfance tombent sur le bord du chemin. Couloir aux tâches rouges. Noyaux juste visibles quand le jour croule en avalanche.

S’en dégager en toute hâte. Ne garder des souvenirs qu’un arrière-goût de pêche blanche.

Poèmes

Tâches d’huile (extrait)

Restes de nuit
entre les dents

réminiscence peut-être

une écume dense
se propage
et ce n’est pas la langue
qui colle

pas non plus
ces glottes noires
ces brisures de mots
encore

non
ce n’est pas la langue
qui entrave

peu de place

de toute façon
peu de distance
entre début et fin

restes de nuit
entre les dents

et derrière soi
l’enfance

un bol de lait tiède.

Extrait d’un ensemble de poèmes publié dans le n°28 de la revue N47.

Poèmes

Trouver refuge (extrait)

On ne sait pas ce qui vient. De la peur en écho. Un cornet de bêtises. Des griffures sur le dos du matin. Un sillon sur la joue. Une pluie si soudaine qu’elle laisse des flaques sur l’horizon. Les nuages sont alors comme des parapluies qui se déplacent dans les collines, puis se referment brusquement. Et on est là, enfin trempé. On rit. On laisse les souvenirs infuser, en serrant fort chaque regard contre nos torses nus. Le jour se lève lentement, et on ne sait pas ce qui vient. Un train lancé à vive allure à la poursuite de l’été. Le calme insensé du dimanche. Un tout petit morceau d’enfance coincé entre deux pans de ciel.

Poèmes

08 janvier 2015

Tout se détend après la nuit. Les enfants rient, rampent tant bien que mal dans une lumière tiède, cherchent à saisir le soleil comme l’encre d’un rêve. Tout se détend, et pourtant quelque chose rature l’horizon. Le vent vient par à-coups mais curieusement personne ne regarde le ciel. C’est ici que l’on est. Les mains sales. Un trou dans la langue. Le cœur recomposé comme un patchwork de peurs et de nuages bas, de tendresses, d’éclaircies éphémères, de chutes de clarté. Tout se détend et se réchauffe et déjà on redoute le premier degré. Le brouillard. Les fumées noires sans feu. On ouvre les fenêtres mais on n’y voit plus rien. Juste la Une frissonnante d’un matin de janvier.

Poèmes

Plein phare (extrait)

C’est du noir que l’on vient. Du manque de profondeur, de cette sérénité qui lentement dégorge du bois de la jetée. Un soleil timide apparaît et essore le ciel. Les dernières gouttes de pluie semblent agripper l’horizon, s’accrocher à ces instants sombres que le corps couve secrètement, les ramener à quai. Pourtant on ne bouge plus. On cherche à distinguer le phare dans les vapeurs d’obscurité. Et quand un rayon sans éclat s’étire sur l’océan, c’est tout le matin qui remonte. Les pieds font des traces rouges dans le sable. Les yeux se décollent des rêves. Et la mélancolie reste suspendue loin derrière. Comme baignée d’absence. Rincée par la lumière.

A paraître aux éditions La Porte